Un logiciel privateur peut-il être respectueux de la vie privée ?
On pense parfois qu’il est possible qu’un logiciel privateur soit respectueux de la vie privée, et qu’un logiciel libre ne le soit pas.
Mais c’est mal comprendre les aspects techniques et légaux de la conception et de la distribution des logiciels.
À la question « Un logiciel privateur peut-il être respectueux de la vie privée ? », une réponse courte serait « Oui mais non. »
En fait, il est peut-être possible qu’un logiciel privateur respecte la vie privée des gens mais comme la conception et le déploiement des logiciels privateurs n’accordent pas de place à la transparence, personne ne peut le vérifier, l’affirmer en toute indépendance, encore moins certifier que ce fait sera toujours valable.
Détaillons :
- On ne peut absolument rien dire de pertinent concernant la façon dont un logiciel respecte la vie privé sans étude indépendante, reproductible et publique du code source. Il faut la liberté d’étudier le programme (première partie de la liberté 1 du Logiciel Libre).
- On ne peut pas assurer que la version fonctionnelle, réellement installée sur les ordinateurs des gens (le « binaire ») dérive bien du code source étudié, sans traçabilité indépendante, reproductible et publique de chaque étape de distribution du programme. Il faut la liberté de distribuer la version originale du programme (liberté 2).
- Quand bien même on serait au courant d’un problème impactant la vie privée au sein d’un programme, en particulier s’il s’agit d’un acte volontaire de la part du programmeur : une porte-dérobée, on ne peut pas alerter les utilisateurs, corriger le programme, et en distribuer la version corrigée à tous les utilisateurs habitués à ce programme, si on n’en a pas le droit. Il faut la liberté de modifier le programme et la liberté de distribuer la version modifiée du programme (seconde partie de la liberté 1 et liberté 3).
- Enfin, tous ces droits doivent être appliqués à l’ensemble des logiciels installés sur un ordinateur. En effet, puisqu’aucun programme n’est jamais totalement isolé au sein d’un système d’exploitation, le moindre petit programme qui n’aurait même a priori rien à voir, peut contenir une faille qui contourne les sécurités des autres programmes.
Ceci étant posé, il est vrai qu’aucun logiciel, libre ou non, ne peut garantir à tout instant l’absence de failles ou de portes-dérobées en son sein qui pourraient être exploitées pour découvrir les données personnelles des utilisateurs, cependant, seuls les logiciels libres satisfont une certaine obligation de moyens.
En tout état de cause, affirmer que tel logiciel privateur est « respectueux de la vie privée » ou encore « sécurisé » relève de l’allégation mensongère. (Et un expert en sécurité informatique qui ne serait pas libriste est un charlatan.)