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Le monopole des pharmaciens n'est pas un monopole

2013-08-23 vendredi

Cessons d'utiliser ce terme !

D'abord parce qu'il est péjoratif (et je l'expliquerai tout de suite, un monopole, un vrai, c'est caca) mais surtout parce qu'il est faux. Car le concept que nous appelons à tort «monopole du pharmacien» devrait en fait être appelé une autorisation… un certificat… ou encore une licence… ou tout simplement un droit (réservé aux titulaires d'un diplôme) mais pas un monopole.

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Qu'est-ce qu'un monopole en réalité ?

Monopole est un terme économique précis désignant un marché au sein duquel — d'une manière ou d'une autre — il n'y a qu'un unique vendeur pour un bien donné.

Cette situation donne au vendeur le pouvoir d'augmenter les prix au détriment des acheteurs. Il s'agit d'un cas d'injustice qui induit directement une baisse du pouvoir d'achat, presque aussi directement une augmentation du chômage, ainsi qu'une sacrée part des autres grands fléaux dont on entend régulièrement parler à la télé (sauf la baisse de la fertilité masculine par contre… ou alors très indirectement… mais vraiment très indirectement…)

Le monopole est très réglementé par la loi de tout pays un minimum démocratique ; voire puni dans le cas d'une position dominante qui aurait été mal acquise. Malheureusement, il semble que ces lois soient en fait peu ou mal appliquées par la justice des dits pays… mais cela est une autre histoire…

Pourquoi il n'y a pas de monopole des pharmaciens ?

Maintenant que le terme monopole est expliqué, décrivons la chose que nous appelons par erreur «monopole du pharmacien» : il s'agit d'une notion juridique (et pas économique) : il s'agit très précisément d'un droit exclusif de pratiquer une profession accordé par une institution donnée à des personnes ayant rempli certaines conditions.

Et je ne vois pas de lien direct entre cette définition et celle d'un monopole. En fait, il y aurait bien une vague causalité : il arriverait en effet que certains monopoles très particuliers soient induits par une autorisation similaire à celle dont on parle. Mais ce n'est pas systématiquement le cas, et ça ne l'est justement pas dans le cas de la pharmacie d'officine.

Tout simplement parce que l'officine, ce n'est pas (en tout cas pas encore, et on l'espère jamais) un très faible nombre de vendeurs organisés sournoisement en cartel. Ce n'est pas non plus un vendeur unique sur le marché (cas du monopole vrai, étymologiquement parlant). C'est-à-dire, qu'il n'y a pas une énorme multinationale (privée ou publique, ce n'est pas le problème. Ça, c'est juste un troll politique qui sévit depuis… ouf… 170 ans ?) de la pharmacie d'officine qui emploie tous les pharmaciens et qui fixe les prix qui l'arrange au détriment des patients.

Il est ainsi démontré qu'une autorisation (ou certificat ou licence ou …) de vendre des médicaments n'est pas un monopole.

C'est pourquoi, au risque de me répéter, je recommande à tous de ne plus utiliser le terme «monopole des pharmaciens» : il est faux ! (Et ce n'est pas parce qu'on le retrouve dans le code de la santé publique qu'il est moins faux, c'est juste que nos députés sont n'y connaissent rien à rien, comme l'ensemble des politiciens.)

Mais comme la vérité ne semble pas suffire en ce bas monde, je le défends en particulier aux pharmaciens eux-mêmes et à leurs syndicats, parce qu'il est péjoratif concernant leur métier. D'autant qu'il faut casser tous les monopoles, tous les économistes le savent. Et s'ils ne le clâment pas, jetons un œil sur leurs éventuels conflits d'intérêt… Ce n'est pas possible ? Comme c'est dommage !… Mais passons, cela aussi est une autre histoire…

Bref, si les syndicats tiennent vraiment à sauvegarder cette autorisation réservée aux pharmacien, il faut qu'ils abandonnent le terme de monopole, les discussions avec les institutions en seront moins biaisées en leur défaveur. Je préconise en remplacement «autorisation de vente des médicaments».

Allez ! Voici un petit exemple …

…. pour ceux qui ne sont toujours pas convaincu que le terme n'est pas adéquat.

Parle-t-on de monopole du permis de conduire concernant le métier de taxi ? Non. On dit juste : « c'est quand même normal que le permis de conduire soit exigé pour conduire des taxis ! » ^^ Mais ça n'a pas l'air d'être aussi évident pour certains concernant les médicaments.

Pourtant il y a bien au préalable dans les deux cas :

  • un titre certifiant certaines compétences (le diplôme de pharmacie d'un côté, le permis de conduire de l'autre),
  • délivré par une institution (une université d'un côté, l'inspection de l'autre),
  • suite à la réussite à des examens rigoureux (les exams successifs d'un côté, le «code» et la «conduite» de l'autre).

Mais également, afin d'exercer effectivement la profession, il faut :

  • un titre certifiant le droit exclusif d'exercice (le titre de pharmacien section A, la licence de taxi de l'autre)
  • délivré par une institution (l'Ordre des pharmacien d'un côté, je ne sais pas de l'autre, la préfecture ?)
  • suite à un examen rigoureux (je suppose qu'il y a une consultation des casiers judiciaires dans les deux cas.)

Enfin, l'exercice économique de ces deux professions est très réglementé notamment pour éviter les situations de monopole. Hé oui ! On pourrait détailler les mesures en question ; ce serait très intéressant. Et je parie que nous mettra ainsi en lumière de nombreuses similitudes dans la régulation économique.

Ainsi, il s'agit bien dans les deux cas de professions strictement encadrées en vue de l'intérêt général (en tout cas, on l'espère ^^) mais pas de monopoles, ni dans un cas ni dans l'autre.

Creusons encore un peu avant d'enterrer définitivement le sujet !

Alors, nous pourrions débattre longtemps parce qu'en fait, les officines profiteraient en réalité de monopoles économiques locaux patati patata… Mais j'adore troller ; d'autant que ça peut aboutir à des idées de régulation réellement libérales. Alors nous trollerons un de ces quatre, promis !

Mais en tout cas (et cela fera l'objet d'un prochain article) nous nous accorderons sur le fait que :

  • les revendications du lobby de la grande distribution visant à profiter également de cette fameuse AUTORISATION de vendre des médicaments, sans que leurs actionnaires et dirigeants ne soient titulaires du diplôme de pharmacien,
  • les véléités d'ouverture du capital des officines à des personnes qui ne sont pas titulaires du diplôme de pharmacien (mais qui sont très riches)…
  • l'éventuelle possiblité à toute personne d'investir dans plus d'une officine (allez soyons gentil : deux ^^)

induiront justement une situation économique anti-libérale qui se rapprochera du monopole, le vrai, le méchant, et qui — presque par définition --- ne sera pas profitable aux consommateurs, c'est-à-dire les patients dans le jargon des professionels de santé.

Post-Scriptum :

Voici une liste d'exemples d'autorisations, droits ou licences, réservés à des personnes ayant un diplome particulier, donc de situations tout à fait similaire à ce qu'on trouve en pharmacie, mais qu'on n'appelle toujours pas monopole pour autant dans le language courant :

  • le droit de prescription : parle-t-on de monopole des médecins, des chirurgiens-dentistes, des infirmiers ou des vétérinaires etc. ? Non.
  • le port d'arme ; parle-t-on du monopole des policiers, soldats et chasseurs ? Toujours pas
  • etc.
Moi CC-BY-SA

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